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A la vie, à la mort ! regarder en ligne regarder en ligne avec sous-titres anglais 1080p

La mort: un dйfi de la vie

Cet article est tirй du magazine йlectronique
" La lettre du psy "
Volume 5, No 9: Octobre 2001

Rйsumй de l'article

Pour tout кtre vivant, la mort est une rйalitй inйluctable: sa vie s'achиvera tфt ou tard par une mort dйfinitive. Cet aspect de l'existence est un des dйfis les plus difficiles que la vie nous propose. Il peut sembler totalement dйsespйrant et absurde а celui qui refuse d'y faire face et de l'assumer complиtement. Mais pour celui qui parvient а accepter vraiment cette rйalitй, c'est toute la valeur de la vie, du prйsent, des relations interpersonnelles et du dйveloppement personnel qui se trouve changйe.

Jean Garneau prйsente dans cet article le volet le plus fondamental d'une vision de l'existence humaine pleinement assumйe. Il fournit par la mкme occasion des йlйments de rйflexion essentiels pour examiner les fonctions psychiques de la vie йternelle promise par la plupart des religions, ainsi que de plusieurs vertus gйnйralement reconnues, notamment l'altruisme et le sacrifice.


Table des matiиres
    A. Introduction
    B. L'йvitement
    1. Pourquoi cet йvitement.
    2. Un dйfi plus ou moins йvitй
    3. Les principales formes de dйni
        a) Ce n'est pas vrai
        b) Ce n'est pas dйfinitif
        c) Ce n'est pas grave
        d) Ce n'est pas incontrфlable
    C. En guise de transition

Vous pouvez aussi voir:
Vos questions liйes а cet article et nos rйponses.
    Notre йquilibre psychique est souvent organisй en fonction du refus d'un des dйfis existentiels fondamentaux. Il est normal de rйagir trиs vivement а un article comme celui-ci, car il nous invite а regarder en face une rйalitй qui menace notre sйcuritй intйrieure. L'indignation et la rйvolte feront sans doute partie des rйactions de plusieurs lecteurs а cet article. Vos objections sont les bienvenues, tout comme vos commentaires et vos questions а propos de cet article.

Mais si vous кtes tentй d'abandonner la lecture ou de jeter l'article, je vous invite а tenir compte de cette rйaction. Il ne serait pas utile de continuer dans ces conditions. Il vaut mieux y revenir йventuellement lorsque vous serez dans de meilleures dispositions pour profiter de la remise en question que peut susciter cette lecture.


La mort n'est pas un sujet auquel nous pensons volontiers. La plupart du temps, nous avons tendance а faire comme si cette rйalitй n'existait pas ou ne nous concernait pas. Pourtant, c'est une question qui nous touche tous directement. Du fait que nous sommes vivants, nous sommes vouйs а mourir tфt ou tard, d'une mort dйfinitive.

C'est un des paradoxes les plus troublants de notre existence et probablement la rйalitй la plus rйvoltante qui soit. Nous recevons une seule vie dont la durйe est limitйe mais inconnue et dont la fin est inйluctable, irrйmйdiable et dйfinitive. C'est comme si on nous donnait un cadeau tout en nous le retirant.

Il n'est pas йtonnant que les humains aient inventй une variйtй de moyens pour tenter d'йviter cette dure rйalitй. Il faut bien reconnaоtre que la seule alternative n'est pas trиs attrayante а premiиre vue. Si nous ne fuyons pas devant ce dйfi, il faut accepter et intйgrer la mort comme une dimension fondamentale de notre existence; y consentir d'avance pour lui faire une place dans notre faзon de vivre. Ce n'est sыrement pas un projet capable de mobiliser les masses!

La mort est un des quatre dйfis fondamentaux de l'existence humaine. Pour certains, c'est le plus exigeant alors que pour d'autres les plus grandes difficultйs sont ailleurs. Mais pour tous, il s'agit d'une question que la vie nous prйsente et а laquelle il nous faut trouver des rйponses qui auront un effet important sur l'ensemble de notre existence. (Voir le chapitre 7: "Les implications existentielles" dans "L'Auto-dйveloppement: psychothйrapie dans la vie quotidienne " а propos de ces quatre dйfis.)


Dans la mesure du possible, la plupart d'entre nous йvitons de penser а la mort. Mais il nous arrive tous, de temps en temps, de nous faire rattraper par cette question. Les йvйnements de notre vie se chargent de nous la rappeler. La mort imprйvue d'un кtre cher, un accident sйrieux, une maladie grave ou une tragйdie dans notre environnement viennent nous rappeler que nous pouvons mourir а tout moment, que notre vie pourrait кtre radicalement йcourtйe ou soudainement changйe de faзon drastique.

Lorsque ces accidents de parcours nous forcent а considйrer notre mort comme une rйalitй importante, il se produit un phйnomиne remarquable: nous devenons plus intensйment vivants et plus sensibles а ce qui est le plus important dans notre vie.

Nos prioritйs changent alors pour donner plus d'importance а ce qui nous semble essentiel. Nous jetons un regard plus critique sur les "urgences" auxquelles nous consacrons notre temps. Et nous dйcidons de nous occuper davantage de ce qui nous importe le plus: notre famille, les satisfactions importantes pour notre bonheur, nos valeurs prйdominantes, le plaisir que nous prenons а vivre, etc. Puis le tourbillon de la vie reprend йventuellement le dessus et nous invite а oublier ces йpreuves. Nous recommenзons alors а redonner la premiиre place а des urgences superficielles.

Il s'agit d'un йtrange paradoxe. Lorsque nous parvenons а oublier que notre vie est limitйe dans le temps, nous devenons moins vivants, alors que nous le devenons davantage lorsque nous sommes conscients de la mort qui nous attend.


1) Pourquoi cet йvitement ?

En tant qu'кtre vivant, chacun de nous cherche а maximiser sa vie dans la mesure du possible. Il recherche un йpanouissement aussi complet qu'il le peut et se mobilise pour protйger sa vie lorsqu'elle est menacйe. C'est la tendance actualisante qui nous oriente dans cette direction (voir "Une thйorie du vivant " pour une explication plus йlaborйe.)

Or, nous apprenons un jour que notre vie est un bien pйrissable qui porte les germes de sa propre destruction. Certaines de ses caractйristiques en sont en effet l'antithиse: nous avons une seule vie qui prend nйcessairement fin par une mort imprйvisible et inйluctable.

Autrement dit: il faut inclure dans la dйfinition de la vie les йlйments suivants: sa durйe est limitйe; le moment de sa fin n'est pas dйfini а l'avance; la mort est dйfinitive; chaque кtre vivant n'a qu'une seule vie.

Nous n'avons pas vraiment le choix: la mort est nйcessairement la derniиre partie de notre vie. Mais il est difficile d'accepter cette rйalitй; notre mission comme кtre vivant est de vivre le plus complиtement possible et non pas d'arrкter de vivre!

C'est pour cela que nous parlons ici d'un dйfi existentiel. Il s'agit d‘un paradoxe que nous devons accepter et auquel nous devons parvenir а donner un sens satisfaisant. (Il y en a d'autres, tout aussi difficiles, qui sont dйcrits au chapitre 7 de "L'auto-dйveloppement: psychothйrapie dans la vie quotidienne ".)

Mais comme devant les autres dйfis de ce genre, nous avons aussi l'option du dйni. Nous pouvons refuser la rйalitй, faire comme si elle n'existait pas, crйer des idйes qui nous aideront а fermer les yeux sur cette vйritй qui nous semble inacceptable.


2) Un dйfi plus ou moins йvitй

La vie nous prйsente ce dйfi de la mort et chacun d'entre nous doit trouver sa propre faзon d'y faire face. Les variantes sont forcйment nombreuses, mais il est intйressant de les situer selon le degrй d'йvitement qu'elles comportent. En effet, cette dimension est importante car elle dйtermine dans quelle mesure nous sommes menacйs par cette rйalitй et combien nous irons loin dans nos tentatives pour йviter d'y faire face.

Au minimum, la mort est une rйalitй а laquelle nous n'aimons pas faire face. Elle fait partie de notre vie, nous acceptons les moments oщ elle se prйsente а nous, mais nous n'y revenons pas lorsque les йvйnements ne nous y forcent pas. C'est, en gros, l'attitude des personnes pour qui la mort n'est pas vraiment un problиme.

Au maximum, nous traitons la mort comme une futilitй, comme si elle n'avait pas vraiment d'importance ou comme si elle n'йtait pas rйelle. Nous pouvons nier une ou l'autre de ses caractйristiques pour y parvenir.

    Par exemple, la mort perd de sa gravitй si notre vie est uniquement souffrante. Elle peut mкme devenir un soulagement ou une libйration. Elle perd aussi beaucoup d'importance si nous croyons ressusciter ailleurs dans de meilleures conditions. Elle est alors un passage nйcessaire vers une vie meilleure, un peu de la mкme faзon qu'une intervention chirurgicale qui nous guйrirait vraiment d'une maladie.
Entre ces deux pфles, on trouve une panoplie d'йvitements plus ou moins massifs. La forme qu'ils prennent est secondaire. Ce qui est vraiment important, c'est le rфle qu'ils jouent dans l'йquilibre intйrieur de la personne.

Les йvitements les plus sйrieux deviennent des dйnis existentiels qui sont nйcessaires au maintien de l'йquilibre psychique. Tout ce qui les contredit est alors une menace qui provoque une angoisse intense et mobilise toutes les dйfenses de la personne.

Lorsqu'il s'agit d'un dйni de ce genre, c'est toute la personnalitй de l'individu qui s'appuie sur ce dйni et s'est organisйe en fonction de celui-ci. C'est pour cette raison que la menace est aussi intense, que l'angoisse est aussi envahissante et que les dйfenses sont aussi vigoureuses. Et comme tout repose sur le refus d'une rйalitй inйvitable, la personne souffre йvidemment d'une insйcuritй qui atteint toutes les dimensions de son existence. Elle sait confusйment que sa sйcuritй dйpend d'une illusion et d'un йvitement de la rйalitй.


3) Les principales formes de dйni

Il n'est pas facile de nier une rйalitй aussi grossiиrement йvidente que la mort. Mais l'esprit humain est capable de prouesses йtonnantes lorsqu'il s'agit de justifier ses dйficiences. Les formes du dйni de la mort illustrent bien cette crйativitй dйfensive. Il serait impossible de les йnumйrer toutes car elles sont des adaptations individuelles, mais voici les composantes qu'on rencontre le plus frйquemment.


    a) Ce n'est pas vrai
On peut nier la mort en prйtendant qu'elle n'est pas rйelle, qu'il ne s'agit que d'une illusion. А premiиre vue, il semble s'agir d'une solution difficilement utilisable; la mort d'un кtre cher nous semble bien rйelle! Pourtant, c'est une des formes les plus rйpandues du dйni de la mort, une de celles qu'on rencontre le plus souvent jusque dans les salons funйraires et les services religieux, l'endroit oщ on est nйcessairement confrontй а une mort bien rйelle.

C'est йvidemment la version religieuse qui est la forme la plus populaire de ce dйni. Il suffit de dйcider qu'une vie йternelle ou un paradis nous attend juste aprиs notre mort pour donner а cette derniиre un caractиre irrйel. Ce n'est plus la fin d'une vie mais le dйbut d'une vie meilleure. Et cette croyance peut кtre assez puissante pour nous consoler de la perte de la personne aimйe dont le corps est juste devant nous.

Mais il y a des situations oщ la mort semble tout aussi irrйelle sans qu'une idйologie religieuse ne promette une nouvelle vie instantanйe. Dans ces cas, l'idйe de la mort est trop abstraite pour avoir un impact. Un peu comme le serait la mort d'un personnage de film ou la perte d'une des trois ou cinq vies dont on dispose dans un jeu vidйo.

C'est apparemment ce qui se passe parfois lors de tueries un peu gratuites, particuliиrement par des jeunes. Ce n'est qu'aprиs coup que leur apparaоt clairement le fait que la personne est vraiment morte et qu'il ne suffira pas d'insйrer une nouvelle piиce pour qu'elle se relиve et que tout revienne а la normale. On a mкme dйveloppй des mйthodes efficaces de rйhabilitation en s'appuyant sur un contact rйel entre le dйlinquant et sa victime.

Une autre variante populaire est celle oщ on cherche а se survivre. Sans nier directement la mort elle-mкme, on veut alors continuer d'agir aprиs sa mort. C'est la fin de l'activitй, de l'influence et du contrфle qui est niйe, plus que la mort physique.

Dans certains cas, la personne cherche а exercer son contrфle sur ses proches en associant des contraintes а un hйritage. Dans d'autres, elle veut plutфt poursuivre une oeuvre qui lui tient а coeur en agissant aprиs sa mort par l'entremise d'une entitй comme une fondation. Parfois, il s'agit d'exercer une influence sociale а travers des publications qui restent disponibles aprиs la mort. Mais dans tous ces cas, la constante reste la mкme: on veut continuer d'agir sur les autres aprиs sa mort, on refuse de disparaоtre.


    b) Ce n'est pas dйfinitif
Il s'agit d'une variante proche de la prйcйdente. Au lieu de croire que la vraie vie nous attend dиs notre mort, nous considйrons que nous avons plusieurs vies а vivre. Un dйlai est habituellement prйvu d'une vie а la suivante; un changement important dans notre situation est йgalement inclus, en fonction de notre mйrite la plupart du temps.

Mais il y a d'autres variantes populaires qui s'appuient sur l'idйe de survivre а soi-mкme. Avoir des enfants peut facilement servir а se donner l'illusion de survivre а travers eux. Crйer une entreprise peut йgalement avoir cette fonction psychique. (Mais ce n'est йvidemment pas toujours le cas. On peut avoir des enfants ou crйer des entreprises pour toutes sortes d'autres raisons, saines ou malsaines. Ce qui compte, pour dйterminer s'il s'agit vraiment d'un dйni, c'est le but, au moins en partie conscient, de "se survivre".)

Ces formes de dйni sont particuliиrement attirantes pour les personnes qui ont le sentiment de ne pas avoir complйtй ce qu'elles voulaient rйaliser. Plutфt que de faire face а un sentiment d'йchec ou d'accepter ses limites, il est tentant de chercher а se rйaliser а travers ses descendants ou ses successeurs.

Une autre forme de dйni peut se mettre au service de besoins psychiques inassouvis: garder le contact avec les personnes disparues. En cherchant а communiquer avec des personnes dйcйdйes, on neutralise la mort de deux faзons а la fois. Non seulement on attribue une vie quelconque au disparu afin qu'il puisse nous rйpondre ou nous interpeller, mais en plus on transcende la frontiиre entre les vivants et l'au-delа par une communication directe.

Qu'on fasse l'effort de rйaliser une telle communication ou qu'on estime y кtre parvenu, la situation est la mкme du point de vue du dйni de la mort. On refuse d'admettre que la personne est rйellement morte et que nous ne rйussirons pas ce que nous n'avons pas encore rйussi а faire avec elle. Plutфt que de renoncer а la satisfaction du besoin, on choisit l'illusion du "contact avec les esprits". C'est un signe clair de l'importance de l'enjeu, de la gravitй du manque qu'on cherche а combler. Et on trouve facilement des opportunistes qui en profitent pour s'enrichir en nourrissant l'illusion.


    c) Ce n'est pas grave
Une autre faзon de reculer devant le dйfi paradoxal que la mort nous prйsente, c'est de chercher а en diminuer l'importance. La faзon la plus simple d'y parvenir est de nier la valeur de la vie elle-mкme. Mais ce n'est pas une tвche facile! C'est peut-кtre pour cela que cette mйthode est adoptйe surtout par les personnes qui ne lйsinent pas devant la souffrance.

Essentiellement, les variantes de cette mйthode reposent sur la tentative de rendre la vie dйsagrйable ou souffrante. Et comme la recherche de satisfaction est plus exigeante que son йvitement, le succиs est presque assurй pourvu que la motivation soit suffisante.

Par exemple, on peut choisir de se donner une vie de sacrifices dans l'espoir de mйriter plus tard un dйdommagement proportionnel. Cette option peut facilement apparaоtre comme avantageuse а celui dont les conditions de vie ne laissent pas attendre beaucoup de satisfaction; il renonce а peu en йchange d'avantages substantiels. Elle peut aussi кtre attirante pour la personne qui n'a pas confiance en ses moyens. Quand on a une faible estime de soi, il apparaоt moins difficile de rйussir son sacrifice que de prendre sa satisfaction en mains.

La vie de sacrifice pour mйriter "la vie йternelle", le sacrifice gйnйralisй d'une mиre en faveur de sa famille, le travail acharnй dans des conditions affreuses que le militant s'inflige pour le bien commun sont des exemples frйquents de cette forme de dйni. Pour toutes ces personnes, il est clair que les souffrances actuelles sont le prix а payer pour obtenir йventuellement des gratifications nettement plus importantes.

Mais comme tous les dйnis, cette mйthode est vouйe а l'йchec: la vie йternellement heureuse, la reconnaissance infinie ou la gloire ne nous attendent jamais vraiment au bout de ce chemin. C'est plutфt l'angoisse, l'amertume et la rйvolte qu'on y rencontre, car la magie attendue est une illusion dont on dйcouvre trop tard les effets irrйparables.


    d) Ce n'est pas incontrфlable
D'autres formes de dйni s'attaquent directement au fait que la mort ne peut кtre prйvue ou contrфlйe. Plutфt que de vivre avec la conscience du fait que nous pouvons mourir а tout moment sans l'avoir prйvu а l'avance, nous tentons par diverses astuces de gagner une certaine maоtrise sur ce moment.

Je ne parle pas ici de la personne qui fait tout ce qu'elle peut pour vaincre une maladie mortelle et faire mentir les statistiques mйdicales. Cette personne ne fait que son devoir fondamental d'кtre vivant: chercher а protйger et maximiser sa vie autant qu'elle le peut dans les conditions oщ elle se trouve.

Il s'agit plutфt de la personne qui dйfie la mort, celle qui prend des risques extrкmes dans le seul but d'en sortir vivante. Souvent, ce n'est que dans la montйe d'adrйnaline que cette personne se sent "vraiment vivante". Elle confond la peur de mourir avec une vie intense et devient plus ou moins "accrochйe" а cette drogue naturelle qui vient de l'intйrieur.

Mais cette description laisse une large place а l'interprйtation. Qu'est-ce qu'on peut considйrer comme un risque extrкme ou excessif? Comment distinguer la recherche de maоtrise qu'on retrouve dans les sports extrкmes de la prise de risques inconsidйrйs. Le pilote de formule 1 n'est pas nйcessairement un casse-cou, mкme s'il exerce une occupation dont les risques sont йlevйs. Le saut en Bungee, par contre, peut кtre vйcu comme un dйfi а la mort mкme si les risques rйels sont minimes. Ce sont les motifs de la personne qui seuls permettent de faire les distinctions appropriйes et il est toujours difficile d'en juger de l'extйrieur.

Il faut aussi inclure dans ce groupe la mйthode inverse: celle qui vise а protйger sa vie а tout prix comme s'il s'agissait d'un objet d'une trиs grande fragilitй. On pourrait comparer cette attitude а une forme de surprotection de soi-mкme. L'exemple classique serait l'hypocondriaque qui est constamment а l'affыt d'une maladie mortelle. Mais on peut aussi penser а la personne qui fait de la prйvention de tous les risques une prioritй absolue.

Cette approche prйventive est elle aussi vouйe а l'йchec. Elle peut tout au plus rйussir а prolonger un peu la vie, mais а quel prix! Vivre dans la peur perpйtuelle, toujours а l'affыt d'une nouvelle menace, toujours prкt а se retenir pour йviter les excиs ou les abus n'est sыrement pas un sort enviable. Vivre moins intensйment et moins librement pour durer plus longtemps est probablement toujours un marchй de dupe. Non seulement on se condamne а une angoisse perpйtuelle mais en plus on s'assure d'йprouver le regret de ne pas avoir assez vйcu lorsque vient la fin.

Et il y a aussi la mйthode la plus radicale pour nier le caractиre imprйvisible de la mort. Plutфt que d'кtre а la merci des йvйnements, on peut choisir le moment de sa mort en la provoquant soi-mкme. Mais il est rare, et pour cause, que le suicide soit utilisй comme dйni de la mort. La plupart du temps, il a d'autres but tout aussi importants qui s'expliquent par l'йvitement d'autres dйfis existentiels.

Les formes les plus frйquentes de suicide dont le but essentiel est de nier la mort sont celles qui impliquent une destruction progressive qui dйcoule d'un abus rйpйtй. Les dйcиs accidentels par surdose de drogue peuvent faire partie de cette catйgorie. C'est le cas aussi de ceux qui dйcoulent d'un important abus d'alcool combinй а des risques pris volontairement. Dans les deux cas, l'effort de destruction est visible pour tous, y compris la victime, et la partie accidentelle est secondaire.


Toutes les mйthodes йvoquйes jusqu'ici ont un but commun: йviter de faire face а la rйalitй de la mort et а ses effets sur nous. Elles ne peuvent йvidemment nous empкcher d'кtre mortels. Tout ce qu'elles sont capables de rйussir, c'est de nous laisser oublier temporairement cette rйalitй et de nous permettre d'йviter d'en ressentir les effets sur notre vision de nous-mкme et de notre vie. C'est le but qu'elles visent directement et c'est le seul qu'elles atteignent efficacement.

Mais le dйni de la mort a des effets pernicieux qui dйpassent largement les buts visйs. Il affecte profondйment la qualitй de notre vie et de nos relations avec les autres. Notre capacitй de vivre pleinement est le vйritable enjeu du dйfi de la mort. C'est ce que j'expliquerai dans la prochaine section de cet article oщ il sera question des consйquences du dйni de la mort, des faзons dont on peut relever ce dйfi avec succиs et des rйsultats obtenus par ceux qui y parviennent.

En attendant, j'invite les lecteurs intйressйs а me transmettre leurs commentaires, leurs objections, leurs rйflexions et leurs questions а l'adresse ci-dessous. Ils pourront ainsi influencer la suite et s'assurer qu'elle rйponde le mieux possible а leurs besoins et prйoccupations.